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Innover sur demande, épisode 22 : La boîte noire (DDN2-P22)

Description

Dans cet épisode du balado intitulé Innover sur demande, l'animatrice Natalie Crandall s'entretient avec Kaveh Afshar, au sujet de l'expérience de ce dernier au bureau principal des données à Environnement et Changement climatique Canada, et également de la façon dont les connaissances de cette équipe en informatique, en statistiques et en mathématiques ont permis de trouver des solutions à des problèmes liés aux données, que d'autres pourront utiliser.

(Consultez la transcription pour le contenu en français.)

Durée : 00:21:52
Publié : 7 juillet 2021
Type : Balado


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Innover sur demande, épisode 22 : La boîte noire

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Transcription

Transcription : Innover sur demande, épisode 22 : La boîte noire

Kaveh Afshar
Faites‑moi signe si je parle trop vite ou si je marmonne. Je ne veux pas que les gens se découragent en m'écoutant.

Nathalie Crandall
Ça, c'est le travail de Todd. Il fait les gros yeux, et puis nous deux, nous sommes là à nous demander : « Qu'est-ce qui se passe? »

Tous
Je suis Todd Lyons. Je suis Natalie Crandall. Mon nom est Kaveh Afshar. Et vous écoutez le balado Innover sur demande.

Nathalie Crandall
Bienvenue. Alors, Kaveh, vous travaillez à ECCC, c'est bien ça? Parlez‑nous un peu de ce que vous faites là‑bas.

Kaveh Afshar
Je travaille au Bureau du dirigeant principal des données. Je suis le gestionnaire responsable de la science des données et de la gouvernance des données ministérielles, deux concepts qui vont de pair et qui s'alimentent mutuellement. Ce sont donc les deux choses que nous faisons. Au Bureau du dirigeant principal des données, nous ne possédons pas de données, nous ne produisons pas de données et nous ne consommons pas de données. Nous ne faisons que résoudre les problèmes de données des autres. Nous avons donc des connaissances en informatique, en statistiques et en mathématiques, mais nous ne possédons pas beaucoup d'expertise sur le plan opérationnel. Nos collègues des différentes directions générales viennent nous voir et nous disent : « J'ai ce problème opérationnel, et voici les données. Que pouvez-vous faire? » Et puis, nous essayons tous ensemble de résoudre ce problème au moyen des données.

Nathalie Crandall
Pourriez‑vous nous donner quelques exemples pertinents ou intéressants de ce que vous faites?

Kaveh Afshar
Bien sûr. Je crois que le projet le plus intéressant – ou du moins le mieux réussi – que nous avons fait est celui de la Direction générale de l'application de la loi. Avant même de nous rendre là‑bas, avant même de parler aux employés de la Direction générale, nous savions que les cadres réglementaires relèvent généralement des régions, qu'ils sont gérés à l'échelle régionale. Et il n'est pas toujours facile de savoir, à partir du centre, comment les forces sont distribuées, quelles données nous allons utiliser et comment nous allons les regrouper à l'échelle nationale. Parlons par exemple des cartes des points chauds. Je n'en raffole pas, mais elles montrent où les activités sont réalisées. Ce genre de choses n'existait pas, auparavant. Une bonne partie des activités d'application de la loi, par exemple les décisions régionales ou les activités plus centrales, étaient faites sur papier, et elles n'étaient pas nécessairement accessibles. C'est comme si on disait : « Refaisons cette année ce que nous avons fait l'an dernier, mais un peu différemment. » C'est généralement à ça que ça ressemble. Donc, la Direction générale de l'application de la loi – et c'est de l'information connue – a fait l'objet de quelques vérifications par un vérificateur général, et celui‑ci a dit : « Vous devez vous concentrer davantage sur les risques et vous appuyer davantage sur des données probantes. Vous devez utiliser vos données efficacement. » Et je pense que nous sommes arrivés au bon moment. Lorsque nous avons collaboré avec l'équipe de l'application de la loi, je connaissais déjà un peu le sujet, parce que j'ai déjà été gestionnaire de l'analyse des risques à l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Alors, j'ai rencontré mes homologues de la Direction générale de l'application de la loi, et je leur ai dit : « Voici ce que nous pouvons faire : nous pouvons utiliser toutes les données sur l'application de la loi que vous recueillez depuis une vingtaine d'années. Nous pouvons les visualiser et vous montrer ce qui s'est passé – nous pouvons brosser un portrait global de la situation. » C'était très intéressant pour eux parce que, il y a 15 ou 16 mois, si nous leur avions demandé : « Que s'est‑il passé la semaine dernière? Que s'est‑il passé l'année dernière? Que s'est‑il passé à ce moment précis? », la réponse se serait trouvée dans des tonnes de fichiers Excel, et un groupe d'ETP aurait dû passer plusieurs semaines à faire des copier‑coller des renseignements. Et puis, la même question serait revenue deux mois plus tard, et il aurait fallu tout reprendre depuis le début. C'est donc un travail très laborieux qui est difficile à reproduire. Même les rapports sur les indicateurs de rendement, soit les profils d'information sur le rendement (ou les PIR) que le SCT exige, représentent des semaines, voire des mois de travail, car il faut régler les problèmes dans des systèmes – comme des systèmes de gestion des relations avec les clients – qui ne sont pas efficaces pour la cueillette de données. Ils sont utiles pour les interactions, pour la saisie d'interactions.

Alors, nous avons obtenu les données. Le secteur public demandait au client de payer un prix énorme, à savoir des milliards de dollars, pour entreposer et visualiser les données. Et nous, nous sommes arrivés, nous avons entreposé toutes ces données et nous les avons visualisées. Au départ, nous ne savions absolument rien de ce qui s'était passé au Canada pendant 20 ans d'un point de vue systémique, et 15 mois plus tard, nous étions en mesure de consulter toutes ces données à un seul et même endroit, et nous avons permis à l'organisation de les visualiser et d'y accéder. Les données sont mises à jour chaque soir grâce à un calendrier automatique. Et même si des données erronées sont saisies, par exemple si Shell Canada est mal orthographié, le système corrige les données en cours de route et les entrepose en bon état. Elles peuvent être extraites en même temps que tous les profils d'information sur le rendement. L'organisation peut produire un rapport quotidien si elle le veut, puisque les données sont à jour. Personne n'a à lever le petit doigt. Nous avons simplement utilisé l'intelligence artificielle et l'apprentissage automatique pour déterminer les 100 principaux domaines de risque, ou entités de risque, à surveiller à l'avenir. Ça ne se faisait pas auparavant, et ça se fait rarement dans le domaine de l'application de la loi, sauf pour ce qui touche la sécurité nationale, bien sûr. Les progrès qui ont été réalisés à l'interne sont incroyables, mais nous étions aussi surpris de la vitesse à laquelle nous y sommes arrivés. Nous avons fait bien des heureux parmi les analystes, parce qu'ils n'ont plus à passer leur temps à traiter des fichiers Excel. À ce stade‑ci, ils analysent pratiquement en temps réel les renseignements qu'ils reçoivent. Et cela leur a permis de prendre les objectifs que nous nous sommes fixés pour l'année prochaine, de les rendre opérationnels et de les tester sur le terrain pour en mesurer l'efficacité et voir où il faut faire des modifications.

Il s'agit probablement des opérations relatives aux données les plus avancées dans le domaine de l'application de la loi à l'échelle du Canada, toujours à l'exception des questions de sécurité nationale. Il y a 300 agents qui sont chargés de faire respecter les lois dans l'ensemble du pays. Ils ont accès à ce genre de système qui leur indique à quoi ils doivent prêter attention, ce qui est très précieux. Tout ce que ça a pris, ce sont deux ETP et un investissement de 10 000 $ pour le fonctionnement et l'entretien.

Nathalie Crandall
Wow! Alors, est-ce que vous comptez offrir vos services à tous les autres organismes de réglementation, maintenant? Parce que je connais des gens à Transports Canada qui en auraient besoin!

Kaveh Afshar 
Nous bénéficions d'un avantage un peu injuste : notre mandat est très clair et très précis; il touche uniquement les dispositions réglementaires concernant l'environnement et la faune. Je compatis avec nos collègues de Transports Canada, parce que leur mandat est beaucoup plus large : il porte sur les avions commerciaux, les avions réguliers, les voitures, les routes, les trains, les voitures sans conducteur, les drones.

Pour innover et progresser très rapidement, il faut commencer où la marge de manœuvre est la plus grande et où la portée est la plus étroite. On peut ainsi mettre des plans à exécution et voir s'ils sont réalistes. Je pense que je vous ai donné un bon exemple; nous essayons de faire la même chose dans la communauté des organismes fédéraux de réglementation. C'est avant tout une question de résultats. Nous ne parlons pas des données, parce que ce n'est pas ce qui les intéresse. Ils s'intéressent aux résultats. Et l'une des choses que je constate dans le domaine de l'application de la loi, c'est que les gens se concentrent beaucoup sur les opérations. Presque tout le monde est sur la même longueur d'onde. Nous n'avons pas à convaincre les gens que les données sont importantes, et c'est formidable. La culture fait vraiment avancer notre cause.

Nathalie Crandall
Vous avez dit que le client a été surpris par la vitesse de l'exécution, et que vous‑mêmes l'avez été à l'interne. Alors, quels sont les facteurs qui ont permis cette exécution efficace et efficiente?

Kaveh Afshar
C'est une très bonne question. Tout d'abord, je pense qu'il faut travailler à partir d'une bonne question opérationnelle, et non d'une question liée aux données ou d'une prescription précise. Et cette question tourne généralement autour de : « Je ne sais pas ce qui s'est passé sur le plan opérationnel. Pouvez‑vous nous aider à comprendre? Voici les données. » Ce genre de questions nous donne une bonne marge de manœuvre et la souplesse dont nous avons besoin pour dresser un portrait de la situation. Le client ne nous a pas dit quels outils ou systèmes utiliser, et il ne cherchait pas une réponse à une question extrêmement précise et détaillée. Il voulait simplement savoir ce qui s'était passé et comment utiliser les données pour se baser davantage sur les faits.

La première itération de ce processus, qui était une validation de principe, nous a pris six semaines. Nous travaillons d'une façon très agile, et nous disons toujours que la qualité de nos résultats dépend de la compréhension qu'a le client de ce que nous faisons. Nous travaillons toujours en pipeline. Les clients, eux, ne voient qu'un tableau de bord. Si ce tableau de bord ne communique rien, alors le pipeline est sans intérêt. Nous avons visualisé les données dans un outil de renseignements opérationnels, et lorsque le client a vu le résultat, il nous a dit : « C'est ce que nous voulons. » Nous avions un objectif très précis, et il ne nous restait qu'à le mettre en œuvre à plus grande échelle.

Dans tous ces projets, l'un des éléments clés est de pouvoir compter sur un cadre champion, qui travaille du côté opérationnel. Il doit vouloir que le changement s'opère. Nous avons réalisé de nombreux projets dans d'autres secteurs où tout le monde nous disait : « Oh, c'est super. C'est très bien. Bonne journée! » Selon moi, il est très difficile de prendre des risques lorsque l'objectif n'a pas été fixé dans l'entente de gestion du rendement. Je veux dire... Le système de Westminster n'a pas été conçu pour être souple. Il a été conçu pour être figé et rigoureux, même lorsqu'il n'y a pas de parti au pouvoir et que les partis sont en lice. Nous, nous essayons d'innover dans un tel contexte. Il y a donc plusieurs problèmes culturels. Alors l'idée de « Je veux que cela se produise » doit venir d'en haut pour que nous puissions aller de l'avant.

Nous avions aussi une certaine marge de manœuvre pour ce qui est des outils, puisque nous pouvions utiliser des sources ouvertes. En fait, nous utilisons uniquement des sources ouvertes; nous ne payons pas pour des logiciels. Nous travaillons toujours avec le langage Python. Nous utilisons l'outil de visualisation Power BI, mais uniquement la version gratuite parce que notre ministère ne possède pas la solution d'entreprise. C'est suffisant pour les premières étapes du processus. Mais ultimement, si nous voulons mettre l'accent sur les données, nous devons avoir les bons outils. Nous utilisons le langage Python et visualisons les données. Dans notre entrepôt, nous avons un petit poste de travail – acquis à même notre budget de fonctionnement et d'entretien au coût de 10 000 $; c'est un petit ordinateur qui nous aide à entreposer les données de façon sécuritaire. Ce poste de travail est probablement assorti de plus de mesures de sécurité que le matériel de l'ensemble du Ministère, parce qu'il y a un journal d'audit et des mesures de sécurité automatiques. En cas de problème, par exemple, et si quelqu'un a un mot de passe faible, nous le lui faisons savoir. « Oh, ton mot de passe n'est pas très bon. » Nous avons établi un genre d'infrastructure.

À mon avis, ça ne prend pas beaucoup d'argent. Il faut du courage, et il faut de l'engagement. Et de notre côté, nous devons nous assurer de communiquer ce que le processus vise à faire, les répercussions qu'il aura. Il arrive souvent qu'on adopte une approche de « tour d'ivoire » quand on parle de données : « Oh, le coefficient de X est Y. Par conséquent, le R au carré est Z. » La plupart des cadres ne savent pas ce qu'est le R au carré dans un modèle de régression. Alors, il faut expliquer ce que ça signifie. S'il y a bien une chose que tous les scientifiques des données devraient apprendre à faire, c'est communiquer leurs résultats d'une manière accessible. Il faut que leur grand‑mère, leur mère et leur père, qui ne sont pas des scientifiques des données, arrivent à comprendre. S'ils n'y arrivent pas, c'est un signe que le message est trop complexe et qu'il n'est pas encore assez condensé. Ce message est très important.

Nathalie Crandall
Nous pourrions appeler ça le « CEC » de la science des données : le courage, l'engagement et la communication.

Kaveh Afshar
J'aime ça! Je vais l'utiliser.

Nathalie Crandall
Eh bien, ça vient de vous!

Kaveh Afshar
Alors, voilà. Nous accomplissons un tas de choses. Quand nous faisons ces exercices, il est souvent très utile d'ouvrir la « boîte noire des données ». Parce que les gens savent qu'ils ont des problèmes de données, mais ils ignorent ce qu'ils sont exactement. Alors quand nous faisons ce genre de choses, quand nous construisons des pipelines de données et que nous organisons les données à une fin précise, nous découvrons au fur et à mesure les principaux problèmes qui orientent la gouvernance. Pour adopter une stratégie de données, il faut aborder X, Y et Z. Que représentent X, Y et Z? Il existe un océan de problèmes de données. Nous devons être en mesure de nous concentrer sur des éléments clés et de creuser plus loin par la suite. Ça a permis à la Direction générale de l'application de la loi de clarifier certaines choses : Quels investissements doit‑elle faire dans la gouvernance des données? À quoi doit‑elle s'attaquer en premier? Comment peut‑elle atteindre la vision utopique globale, un peu comme dans Rapport minoritaire? Et l'une des choses que nous avons faites durant le projet lié à l'application de la loi, c'est de recueillir des renseignements financiers sur les entités réglementées. Parce que nous savons, grâce à la recherche, que les entreprises qui ont des difficultés financières ne paient pas leurs impôts. Ils contreviennent à des lois et font l'objet de poursuites. Les relations de travail au sein de leur entreprise sont problématiques. Et devinez quoi? Ils ne se conforment pas à la loi. Ils ne vont pas se conformer aux règlements fédéraux, parce qu'il y a très peu de chances qu'ils se fassent prendre. Alors, au lieu de chercher les signes de non‑conformité, nous nous intéressons aux causes possibles qui entrent en jeu. Ces entreprises sont‑elles vraiment mal intentionnées, ou bien ont‑elles des difficultés financières? Peut‑être que l'application de la loi n'est pas la solution; peut‑être qu'elles ont juste besoin d'une marge de crédit! Nous essayons donc de mieux comprendre l'industrie, les différentes entreprises et leurs comportements, et nous utilisons ces comportements pour tenter de déterminer où les risques seront les plus présents. Dans le monde des finances, vous pouvez regarder des gens comme Warren Buffet, qui examinent les entreprises comme si elles étaient des personnes. Cette personne se comporte‑t‑elle de la bonne façon? Fait‑elle la bonne chose? Est‑ce qu'elle emprunte trop d'argent? Prend‑elle trop de risques? Tous ces éléments en disent long sur le caractère d'une entreprise – comme pour une personne. Lorsqu'une personne brûle volontairement un feu rouge, il est peu probable qu'elle s'arrête à un panneau d'arrêt, n'est-ce pas? Puisque nous savons comment la personne se comporte à un feu rouge, nous pouvons en déduire quelque chose et prédire le comportement que la personne adoptera au panneau d'arrêt. Cette logique nous permet de mieux comprendre où les ressources doivent être affectées et de savoir à quoi prêter attention. Dans le domaine de l'application de la loi, la façon la plus coûteuse de vérifier la conformité d'une organisation est d'envoyer un agent d'exécution de la loi. Donc, comment pouvons‑nous garantir que ces agents se rendent uniquement là où c'est absolument nécessaire?

Nathalie Crandall
Oui, alors comment repérer les endroits où il faut envoyer un agent?

Kaveh Afshar
Exactement. C'est un pur bonheur pour les agents d'exécution de la loi – ce qu'ils veulent, c'est se trouver là où ils sont les plus utiles. Alors nous sommes vraiment contents d'avoir pu permettre ça.

Nathalie Crandall  
Alors si je résume rapidement votre recette du succès... vous avez dit que la chose la plus importante était d'avoir un problème opérationnel bien défini. Il faut avoir le soutien de la haute direction – d'un champion qui veut se lancer dans ce processus.

Diriez‑vous que l'environnement ou le contexte du gouvernement a changé au cours des cinq ou dix dernières années pour que cela puisse se produire?

Kaveh Afshar
C'est une très bonne question. Je ne sais pas si je peux donner une réponse générale, honnêtement. Il y a quelques groupes qui ont réussi, et ces réussites sont suffisantes, parce qu'elles entraînent le syndrome FOMO (en anglais « fear or missing out », ou la peur de manquer quelque chose) chez les autres. Ce sentiment est beaucoup plus efficace qu'une déclaration de ma part. Alors, oui, ceux qui ont du courage, qui n'ont pas le choix de changer, qui décident de plonger et qui ont du succès semblent avoir la combinaison gagnante. Ceux‑là sortent du lot, et les autres ont ensuite envie de faire pareil. C'est une bonne compétition qui est saine à entretenir au sein du gouvernement. Je ne sais pas, par contre, si la culture changerait par elle‑même. Je ne crois pas. Je pense qu'il y a encore beaucoup de travail à faire.

Et il y a beaucoup de travail à faire au niveau de la direction, mais aussi par rapport aux personnes que nous embauchons! Nous n'embauchons plus de dactylographes ou d'expéditeurs (des personnes qui sont chargées d'expédier des paquets). Nous embauchons des gens qui ont une capacité d'analyse. Et nous devons leur donner les outils, les connaissances et les données dont ils ont besoin pour faire ce travail. Nous ne voulons pas des bureaucrates, nous voulons des cerveaux. Il est difficile d'attirer ces personnes si notre travail ne fait pas appel à leurs capacités cérébrales.

Nathalie Crandall
Oui, et c'est difficile... nous devons changer notre façon de gérer les ressources humaines pour pouvoir attirer les talents, les garder et les réaffecter lorsque c'est nécessaire.

Kaveh Afshar
Oui, les amener là où ils veulent aller, leur donner les outils dont ils ont besoin. Vous savez, dans les années 1980, nous laissions nos appareils technologiques médiocres à la maison et nous nous rendions au travail, où nous utilisions une technologie de pointe. Aujourd'hui, nous laissons nos appareils de pointe à la maison, et nous nous rendons au bureau pour travailler avec des appareils qui laissent parfois à désirer. Il faut faire attention à ce genre de choses lorsque nous embauchons de nouvelles personnes. Nous devons leur fournir des outils qu'elles connaissent, avoir confiance qu'elles sauront faire leur travail et produire des résultats et leur donner de l'espace. Je pense que c'est très important.

Il y a une chose que j'ajouterais à la recette : j'essaie d'éviter les « mots à la mode », mais sur le plan des données, je pense que les termes « agile » et « centré sur l'utilisateur » sont importants. Et cette idée de : « Donnez‑moi deux millions de dollars et je vous reviendrai dans cinq ans », ce n'est vraiment pas une solution idéale. C'est plutôt le signe d'une déconnexion ou d'une mauvaise compréhension. Il faut aussi éviter les approches du genre : « Je vais prendre une année pour déterminer vos exigences opérationnelles. » Je veux dire, les choses évoluent. Alors, nous devons être prêts à créer les conditions nécessaires pour réussir à trouver des prototypes ou des validations de principe qui fonctionnent et ensuite les mettre en œuvre à plus grande échelle. Et il faut les concevoir en limitant la dette technique, ce qui signifie que nous devons pouvoir les modifier ultérieurement à peu de frais. Nous devons donner plus d'autonomie aux entreprises par rapport à la gestion de leur partie de l'équation. Si elles veulent ajouter ou supprimer un champ dans un formulaire, elles doivent pouvoir le faire sans qu'un billet de TI soit créé. Elles doivent avoir une gouvernance interne qui leur permet de dire : « Je peux ajouter un champ parce que c'est mon entreprise; je sais ce que j'ajoute ou ce que je supprime. » Et les responsables des TI seront très heureux d'entendre ça. Parce que ce n'est pas très gratifiant d'ajouter un champ – à moins que vous y accordiez de l'importance parce qu'il s'agit de votre entreprise. Il est donc très important d'avoir cette agilité, d'adopter cette nature itérative dans l'exécution du travail. Au moment de livrer quelque chose aux clients, ceux‑ci se disent généralement : « Je connais ce produit. Je l'ai vu assez souvent. Je sais qu'il est efficace. » Il n'y a pas de surprises ou d'éléments qu'ils n'ont jamais vus auparavant. Ce sont eux qui s'occupent eux‑mêmes de la culture par rapport au volet opérationnel, et nous essayons de jouer un rôle de soutien. Ils s'occupent donc davantage du volet du processus qui touche les activités. Nous expliquons généralement notre rôle en disant : « Nous avons vérifié les statistiques et les données, et nous allons vous montrer leurs répercussions. » Et c'est à eux de faire en sorte que ces répercussions se fassent sentir dans leur effectif. Ils ont la crédibilité, pas nous. Nous ne connaissons pas assez bien leur entreprise.

Nathalie Crandall
Oui, nous devons tous appuyer les activités de première ligne. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que la capacité de travailler différemment, de produire des résultats différemment selon des échéanciers différents est essentielle au sein du gouvernement, parce que la vie suit son cours. Et le monde évolue si rapidement à l'heure actuelle. Si nous voulons demeurer pertinents, nous devons nous adapter.

Kaveh Afshar
Absolument. Je veux dire... C'est un sujet qui a une signification bien particulière pour moi, parce que je viens de l'Iran. Ce n'est pas un pays qui est reconnu pour ses institutions démocratiques, et je sais que c'est étouffant de vivre sans démocratie. Et ce n'est écrit nulle part dans nos livres d'histoire que la démocratie canadienne va perdurer une autre trentaine d'années si elle est négligée. À mon avis, une partie de notre rôle consiste à rendre la démocratie pertinente. Nous devons la rendre ingénieuse pour que les gens aient conscience de sa valeur, pour qu'ils aient envie d'investir en elle, qu'ils soient prêts à payer leurs impôts. Ont‑ils l'impression que le gouvernement fait bon usage des sommes qu'ils remboursent? Utilise‑t‑il leur argent pour protéger leur environnement, leur vie privée et leurs libertés? Que va‑t‑il arriver si nous perdons du terrain? Je dirais que si nous négligeons ces éléments aujourd'hui, eh bien, dans dix ans, nous n'aurons peut‑être pas l'occasion de rattraper le temps perdu. Les entreprises comme Google, Apple et Facebook et les autres entreprises de ce monde offrent une valeur aux consommateurs, souvent au détriment de leur vie privée. Le gouvernement pourrait devenir moins pertinent parce qu'il est trop détaché et déconnecté de la réalité. C'est un peu ma façon de dire que la démocratie est impérative dans ma vie. Nous ne pouvons pas ne pas faire ces choses. Nous ne pouvons pas nous contenter de dire que le statu quo est acceptable. Il ne l'est pas.

Nathalie Crandall
On ne peut donc plus parler d'une fonction publique complaisante.

Kaveh Afshar
C'est un peu... Nous ne souscrivons pas au système de Westminster, qui est censé être figé et qui ne doit pas changer. Les gens s'attendent à du changement. Nous devons seulement gérer ce changement, le communiquer et accepter qu'il existe un risque d'échec. Et si nous voulons échouer le moins possible, particulièrement à l'externe, nous devons mieux faire les choses à l'interne. Si nous n'arrivons pas à effectuer rapidement des processus de RH à l'interne, nous risquons de rencontrer des problèmes avec l'intelligence artificielle. Alors si nous n'avons pas de services internes efficaces et que nous ne connaissons pas les domaines où il y a plus de risques... Eh bien, que Dieu nous aide quand nous allons sortir. C'est à peu près là que nous en sommes. Nous prenons des risques, des risques calculés, nous avons un plan B, nous le communiquons, et nous expliquons à nos clients que l'intelligence artificielle ne résoudra pas leurs problèmes. Elle peut nous aider à rediriger notre attention, ce qui est important lorsque nous faisons face à un océan de problèmes. C'est cette idée de : « À quoi dois‑je prêter attention maintenant? Où est‑ce que j'affecte mes ressources? » C'est comme une journée de travail. Dans une journée, nous disposons de huit heures et demie : « À quels courriels vais‑je répondre? Quels documents est‑ce que je vais lire? » Et l'intelligence artificielle peut nous aider à répondre à ces questions. Elle ne résoudra pas nos problèmes, mais elle rendra certainement nos questions plus pertinentes et nos activités plus efficaces, et elle nous informera des prochaines étapes à suivre. Et je ne suis pas certain que nous connaissions toujours les prochaines étapes, vous savez... quand on parle de transformation numérique, de travail sur les données, tout ça.

Toddy Lyons
Vous avez écouté Innover sur demande, présenté par l'École de la fonction publique du Canada. L'indicatif musical a été composé par Grapes. Je suis Todd Lyons, producteur de ce balado. Merci de votre écoute.

Crédits

Todd Lyons
Producteur
École de la fonction publique du Canada

Natalie Crandall
Directeur, science des données
Agence des services frontaliers du Canada

Kaveh Afshar
Directeur, science des données
Agence des services frontaliers du Canada

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